Après de nombreuses années d’interruption, la greffe d’organes a repris convenablement en Tunisie en avril 2019, donnant lieu à des prouesses médicales à féliciter. Pourtant, de nombreux patients attendent, à leur tour, de voir le bout du tunnel. Face à de longues listes d’attente dont l’actualisation n’est pas régulière et au vu d’une mentalité qui s’oppose à la promotion de la culture du don d’organes, seule la sensibilisation se présente comme solution.
Dernièrement, une réunion d’envergure a été organisée au ministère de la Santé pour trouver d’autres alternatives aux greffons cardiaques dont la disponibilité est rare en Tunisie ce qui explique la longue liste d’attente de patients qui, dans la douleur quotidienne, attendent des opérations de transplantations d’organes. En fait, ces longues listes d’attente ne concernent pas uniquement la transplantation cardiaque mais portent également sur toutes les opérations de transplantation d’organes en Tunisie, notamment rénale et hépatique.
Ces prouesses médicales, réalisées pendant l’année en cours, marquent, en effet, une résurrection des opérations de transplantation en Tunisie après une interruption qui a duré de longues années, mais ne cachent pas des travers qui freinent le progrès de cette discipline, dont notamment le grand nombre de patients qui se traduit par de longues listes d’attente pour des greffes incontournables dus à diverses maladies telle l’insuffisance rénale, cardiaque et hépatique.
La transplantation d’organes en Tunisie, qui était à l’arrêt durant les années post-révolution, a connu un essor considérable pendant l’année 2019, au vu des efforts des différents intervenants dont notamment le Centre national pour la promotion de la transplantation d’organes (Cnpto), le ministère de la Santé et les différentes structures hospitalières, donnant lieu à de nombreux exploits médicaux. Il suffit de rappeler que les équipes médicales de l’hôpital universitaire Sahloul, gouvernorat de Sousse, ont réussi à réaliser un nouvel exploit en un temps record en effectuant quatre greffes de rein, dont deux provenant d’un donneur vivant, en seulement dix jours, le mois dernier.
Des exploits qui nous font oublier plusieurs années d’interruption causée principalement par la pénurie de médicaments et de certains produits indispensables pour la réalisation de ce genre d’intervention très complexe. En effet, en avril dernier, les opérations de greffe rénale à partir d’un donneur vivant ont repris dans tous les établissements publics de santé agréés par le ministère de la Santé. Idem pour les greffes cardiaques et hépatiques qui ont repris durant de l’année en cours.
Les exploits médicaux ont été généralisés dans les centres de transplantation rénale, dont notamment l’hôpital Sahloul à Sousse et l’hôpital Charles Nicolle à Tunis, où deux transplantations rénales ont été réalisées en une seule journée et à l’hôpital Fattouma-Bourguiba à Monastir. Une série d’exploits relayée par la réalisation d’un nombre de transplantations délicates à l’hôpital La Rabta à Tunis.
Une douleur quotidienne
«C’est une douleur quotidienne, j’attends une greffe de rein depuis 10 ans, j’attends un coup de fil de mon médecin avec impatiente mais je commence à perdre espoir. Cela fait 15 ans que je subis hebdomadairement trois séances de dialyse en raison de mon insuffisance rénale. Aucun membre de ma famille ne peut me faire don d’un rein en raison d’une incompatibilité sanguine». C’est en ces termes que Monia, patiente dialysée, 68 ans, décrit son calvaire quotidien. En effet, la liste d’attente des greffes rénales compte 1.600 patients.
Ce que confirme Tahar Gergah, directeur du Cnpto, soulignant l’impératif de se focaliser davantage sur la question du don d’organes en vue de sauver la vie de nombreux patients. «L’année 2019 marque un nouveau départ fait de succès en matière de transplantation d’organes, le nombre d’opérations s’étant accru de manière significative par rapport aux années post-révolution marquées par la défiance des citoyens vis-à-vis des institutions hospitalières, une situation qui a empiré en l’absence flagrante de campagnes de sensibilisation sur ce plan», a-t-il expliqué. Mais pour certains médecins, cette liste est estimée à plus 3.000 patients qui attendent une transplantation rénale.
Pour ce qui est des transplantations cardiaques les statistiques sont complètement absentes alors que même le Cnpto ne dispose pas d’une liste des patients nécessitant une transplantation cardiaque, dont le nombre serait estimée en 2017 à 800.
Actualisation des listes d’attente
En effet, l’actualisation des listes de patients en attente de dons d’organes fait défaut. Sur le site officiel du Cnpto, seul établissement spécialisé dans l’organisation du prélèvement et de la greffe d’organes et de tissus, aucune liste de ce genre n’existe, aucun chiffre n’est présenté. La nécessité de coordonner entre les différents services hospitaliers, le Centre national pour la promotion de la transplantation d’organes et le ministère de la Santé s’avère cruciale pour la tenue d’un registre national regroupant tous les patients qui nécessitent une transplantation d’organes.
Face à ces problèmes de manque de greffons et de l’absence de l’actualisation des listes d’attente, seule la sensibilisation pourrait se présenter comme une solution pour améliorer la situation de cette discipline. Ainsi, le rôle de la société civile et des médias est crucial. Cela passe forcément par l’intensification des campagnes de sensibilisation.
En Tunisie, l’organisation générale du prélèvement et de la greffe d’organes et de tissus est sous la responsabilité du Centre national pour la promotion de la transplantation d’organes. Ce centre est appelé, dans ce sens, à tenir un registre central, une sorte de liste d’attente sur laquelle seront inscrites les personnes dont l’état de santé nécessite une greffe d’organes et de tissus.
C’est la loi n°91-22 qui régit le prélèvement et la greffe d’organes humains sur le cadavre ou le donneur vivant. Il est stipulé qu’un prélèvement ne peut avoir lieu qu’après constatation de la mort clinique, c’est-à-dire l’arrêt de la perfusion cérébrale, qui entraîne la disparition de toutes les fonctions cérébrales puis la destruction irréversible du cerveau. Le personnel médical vérifie tout d’abord la carte d’identité nationale (CIN) de l’éventuel donneur s’il est mentionné qu’il est «donneur», le personnel prévient la famille qui ne peut s’opposer au prélèvement. Si aucune mention ne figure sur la CIN, on demande alors l’accord indispensable de sa famille.